La Bestiole
2022
huile sur toile
taille. 81cm x 65cm
Elle gronde, se meut, remue et s’évade
Elle sourit, rugit, s’accroit et parade.
Elle a faim. Encore Huit ans qu’on la rationne
D’un docile carlin, voilà qu’elle se fait lionne.
Plus de doute senti, elle est en effet là.
Dans le creux de mes tripes, là, sous l’estomac.
C’est le début. C’est bien. Une rage s’élève,
La colère sans dédain, une saignée sans sève
Une énergie sourde grandit sans mesure
Le bois de nos émois craquelle sa lasure.
Puis le lointain écho d’une détonation,
Vient exhorter la bête à son évasion
Le silence se rompt quand son rugissement
Vient répondre au monde, à son ahurissement.
C’est avec le sourire et dans un rire obscur
Qu’elle oppose elle-même à cette guerre son mur.
N’en déplaise à l’Europe, notre mitraillette,
Se compose d’abord de leçons de trompette.
Ce rythme militaire que nous refusons
Du coup de langue binaire nous attaquons.
‘Attaque’ est adéquat, tiquant aux catastrophes,
Taclons du talon le taquet de la strophe.
Tique politique à l’éthique étiquetée,
Ma fuite analytique est mal décortiquée.
Mais je reste serein car l’allitération
Ternaire cette fois, joue les prolongations.
Quittons donc un peu ce tic-tac militaire
Un rythme de valse s’impose et s’affaire.
Toute catastrophe a, comme tautologie,
Comme tout excuse, comme toute survie,
celle de dire « Quoi ! L’exploit est cathartique !
Tout est logique enfin, tout est mathématique :
En tuant un quidam, tu es en fait altruiste,
Tout est contre terreur ! ... ou contre complotistes.
Nous tentons que pour autrui cette querelle
Soit bénéfique, économique, intemporelle ! »
Notre animal ici en reste goguenard,
Préfère faire fi de tous ces traquenards.
On comprend aisément qu’ici notre Bestiole
N’entretient nul désir d’arrêt de cabrioles.
Jouant sur les mots justes, elle joute joliment,
Jardinant sa culture ou juste la jetant,
Au visage des vains, des vicieux et des vils
Elle vise en une vie, une vie non servile,
À papoter, tapoter, papouiller et piquer
ces poux, ces puces, par un peu de pureté.
Elle s’amuse en moi-même et meut avec malice
Sa main est aimante et emplit mon calice
D’un fluidifiant flegme, fer fort et sans fiel
Fortifiant fermement, ma face face au ciel.
Vivifiante envolée que de voir sur vélin
Que la Virevolte ne sévit pas en vain.
Rage rabâchée et rendue à la roche
rabote nos rancoeurs et puis nous rabiboche.
Quoi ! Criblons et crions, deux mains de créateur
Jointes en un crampon et croassons en coeur,
Comment ? Quoi ? Il serait alors envisageable
Qu’un poing ailleurs serve qu’à taper sur la table ?
Pis encor ! Pourrait-on ainsi imaginer
Que la main subsistât sans être refermée ?
Les nôtres ouvertes s’unissent à la langue
Et de cet unisson repart le boomerang.
Elle est en vous, en nous, en eux cette bestiole.
Il ne tient qu’à nous d’éviter que s’étiole
Notre totalité. Nos terres et nos têtes,
À tâtons oubliant d’être un peu plus esthètes.
L’animal est brutal, certes, et viscéral,
Mais être loyal, idéal ou sidéral
Ne dépend que de ce qu’on prétend à en faire
Selon qu’on soigne en plume ou bien d’un bras de fer.
© PARO